Je viens d’apprendre avec horreur que Neil Gaiman vient de supprimer le personnage vampire de son dernier roman.
Ses raisons ? A cause de la vague bitlit pour ados prépubères (ou pubères mais pré-américaines), le vampire a perdu l’aura terrifiante qui l’entourait pour devenir un simple produit de consommation courante. Mais je laisse à Neil le soin de s’exprimer lui-même :
“The saddest thing is that it runs the risk of making vampires not scary. I will be glad when the glut is over. Maybe they will be scary again. I like my creatures of the night a little nocturnal. My next big novel was going to have a vampire. Now, I’m probably not. They are everywhere, they’re like cockroaches. Maybe it’s time for this to play out and go away. It’s good sometimes to leave the field fallow. I think some of this stuff is being over-farmed.” (source)
Triste n’est-ce pas ?
J’admire Neil depuis des années. J’ai pratiquement aimé tout ce qu’il a écrit, que ce soit en comics-book (Sandman, Death, Book of Magic, etc.), en romans, nouvelles et même livres pour enfants (Coraline, etc.). Son style montre un véritable attachement à l’histoire, aux mythes, et aux sentiments qui animent les êtres humains (et depuis peu, il est maqué avec l’une des femmes de ma vie – Amanda, si tu me lis, tu sais où me trouver).
Comprenez mon désarroi. Neil Gaiman n’a jamais reproché à J. K. Rowling de lui copier coller de Timothy Hunter, son personnage de Book of Magic (un gamin brun décoiffé à lunettes, magicien hyper puissant qui ne le sait pas encore, qui a un hibou et vit en banlieue – ça vous rappelle un truc ?). Neil est donc un auteur qui croit en la transcendance de l’imaginaire (un peu comme dans le Promethea de Alan Moore). Il défend le plus noble des points de vue : les artistes sont là pour raconter des histoires, et ça fait tourner le monde.
Alors là, si Neil Gaiman abandonne le vampire à son triste sort, autant dire que le vampire, créature littéraire immortelle, est déjà morte…
Le vampire était immortel depuis des millénaires. Twilight et la bitlit l’ont tué…
Depuis le succès incroyable de Twilight, le vampire, figure ultime de la transgression, s’est fait en effet sucé par les marketeux qui l’ont transformé en personnage conventionnel, qui n’effraie plus les masses.
Twilight, a posé les bases de cette transformation. Tu es mal dans ton corps, contrainte par des conventions sociales trop lourde, et tu as besoin d’un fantasme pas trop méchant : prends un vampire et tout ira bien. Le vampire est immortel, il n’a pas besoin de sexe. Le vampire est forcément beau. Le vampire est forcément riche. Le vampire est vieux, il est donc poli avec les dames et se marrie avec elles avant de les niquer. Bref, le vampire est le prince charmant des années 2010.
Et en un instant, les marketeux de tous bords se sont rendus compte qu’il suffisait de profiter de l’aura troublante du vampire auprès d’une population simple pour se faire un max de bénéfice.
Le règne de la bit lit commença…
Dans bitlit il y a bite, et ce n’est pas poli
Au programme de BitLit, le mag des pouf qui aiment la bit lit : “Je sors avec un vampire“, “le sac de la tueuse de vampire“, ou encore “panique, je me transforme en chat“. …
Diantre. Je ne veux pas paraphraser, mais “I wanna do bad things” aux lectrices de cette bouse infâme, mais aussi aux “pseudo journalistes” qui écrivent dedans. Même si ils écrivent au 2nd degré, c’est grave (car les lectrices vont le prendre au premier degré).
Écrire sur n’importe quoi pour de l’argent n’est pas du journalisme, et encore moins de la littérature. Ca s’appelle du remplissage éditorial et il y a des pisse-copies qui font ça très bien pour des prix très modiques.
Alors sachez que la tonne de bouses bitlit qui vous tombe dessus cette année n’est pas de la littérature, mais de l’acharnement marketing pour vous vendre le plus cher possible, un contenu pas cher à produire. Il ne tient qu’à vous de refuser de lire ça. Il existe des romans vampiriques fabuleux qui n’ont pas pris une ride. Alors pourquoi lire de la merde nouvelle alors qu‘il y a tellement de vieux chefs d’œuvre sur le même sujet ?
Car à chaque fois que vous lisez ces versions consensuelles et molles du vampire, c’est l’image du vampire que vous altérez. Et c’est hélas la règle éternelle de toutes les créatures surnaturelles. Il suffit d’arrêter de croire en elles pour les faire disparaître. C’est valable pour les fées, mais c’est aussi valable pour les vampires…
A vous de les sauver en arrêtant de lire n’importe quoi.
Hé y a des trucs récents qui sont pas de la bit-lit! Salem de Stephen King ou le cycle “Vampire story” de David Wellington chez Milady qui fait passer Dracula pour un chaton qui vient de naître.
Je ne connais pas “Vampire Story” (si quelqu’un veut écrire une chronique, il est le bienvenue), mais Salem de King a été écrit dans les années 70 – en 1975 (https://www.morsure.net/litterature/romans/salem/).
Ceci dit, tu as raison, je ne lis pas la littérature qui sort en ce moment, je dois donc louper des ouvrages intéressants (mais je dois louper 80 % de bouses aussi, donc mon choix est fait).
Oui, c’est triste dans venir là …mais je pense que c’est un tord !
En effet, oui, le vampire est marqué par l’image romantico-molle que la mode lui donne en ce moment. Et alors ! Le vampire a toujours été exploité de différentes façon : l’horreur, la séduction, le romantisme… L’un n’empêche pas l’autre et bien au contraire ! L’amatrice de vampire que je suis attends avec impatience des fictions qui vont venir contre-balancer tout ça et nous proposer du vampire gore, du vampire sanguinolant et même du vampire romantique (le Dracula de Coppola est un très bon exemple).
Aller créatifs ! Du vampire, du vampire, du vampire !
😉
Je suis pas loin d’être de cet avis d’avis que la mercantilisation à outrance du mythe ne lui fait pas que du bien. Et qu’il est dur, par les temps qui courent, d’avoir une vraie démarche créative en se frottant au mythe des vampires. Les médias ont en effet une fâcheuse tendance à tout relier à Twilight et à la Bitlit, ce qui tue dans l’oeuf toute tentative de proposer autre chose.
Il y a encore de très bons livres qui sortent sur le thème des vampires (même estampillés Bitlit, il ne faut pas croire), Vampire Story en est un très bon exemple , et à moindre effet le Douze de Jasper Kent, deux ouvrages publiés chez Milady/Bragelonne qui plus est.
Vampirisme.com est né de cette passion avant la déferlante Bitlit/Twilight et j’entends bien y survivre.
Et au pire, si cette surabondance de moyen/bas de gamme sur le sujet finit par lasser, il restera aux aficionados moult séries plus anciennes certes méconnues mais qualitativement plus intéressantes : l’opéra de sang de Tanith Lee, Anno Dracula de Kim Newman, Les Prédateurs de Withley Strieber, etc.
@vladkergan A l’instar de vampirisme.com, Morsure.net est né d’une passion dévorante pour l’image transgressive du vampire.
Et il est clair que je ne m’y reconnais plus dans ces nouvelles productions mercantiles.
Ceci dit, il y a suffisamment de choses à dire sur la littérature pré-bitlit et le cinéma pré-twilight pour remplir un site.
Et comme tu le dis si bien, la mode passera, et nous resterons.
L’exploitation Twilight tire à sa fin, suffit d’être patient. Entre temps, il reste des films de vampires intéressants, comme «Let the right one in» que j’ai vu l’an dernier, ou «Thirst», adaptation coréenne de Thérèse Raquin, passablement intéressant aussi. La série True Blood, d’ailleurs issu d’une série BitLit, fait ma joie chaque semaine, avec des vampires violents et comlexes. Pour les livres, c’est vrai qu’il y a longtemps que je ne suis pas tombé sur un Poppy Z Brite ou un Anne Rice, mais je n’ai pas abandonné.
Oui, encore un peu de patience, ils s’essaient aux anges maintenant…
J’ai tenté 2 séries bitlit, mal m’en a pris, maintenant on passe pour des vieux cons quand on écrit nos chroniques et les community manager forcent le débat, c’est chiant.
Tu dis que “True Blood” est issue d’une serie BitLit, Cyroul, je n’ai pas l’impression que “la communauté du sud” dont est tirée la série soit de cette mouvance.
Bonjour Sarah, et bonjour Cyroul, ça fait un bail.
@Jesus (Orlov – on t’a reconnu 😉 Hey, je n’ai pas dit que “True blood” était de la bitlit. Je n’ai pas lu la communauté du sud, mais il parait que c’est très bien.
N’hésites pas à m’envoyer une critique (pas le temps en ce moment).
Morsures
Pfff facile de mater l’e-mail, “Jesus Voilor”: “Je suis Orlov” ;-), c’est un pseudo à la Voldemort (Tom Elvis Jedusor: je suis voldemort (ça marche aussi en anglais) Ben, c’est pas un forum sur Harry Potter, ici?)
C’est moi qui ai dit que la Communauté du Sud est de la BitLit. Après avoir lu les sept premiers tomes, j’en sais quelque chose. Tout tourne autour des histoires d’amour d’une fille simple avec des surnaturels trop beeeaaauuux! Avec des sous-intrigues plus ou moins bien ficelées. Les premiers tomes sont bien, mais les intrigues se dégradent vite, les ficelles (toujours les mêmes) deviennent apparentes. Et l’essentiel est toujours les hauts et les bas de la vie amoureuse de la narratrice.
Ça reste très au-dessus des Twilight et consorts, cependant. Et True Blood est une excellente adaptation, qui a le mérite de décoller la plupart du temps de l’original.
@philippe roy : Je me suis également collée à La Communauté du Sud version texte et la première constatation est bien que l’on est, comparativement à la série d’HBO, dans deux univers divergeants et que le second fait très peu “bitlit” au palais malgré les ingrédients de base.
Après, si l’on coupe les cheveux en quatre pour savoir si le texte est bitlit ou pas, on s’en remettra, paraît-il, à la définition des prestigieuses éditions Milady, puisqu’elles ont inventé le terme de toutes pièces (plus de révélations lors du Salon du vampire en décembre tadadadada). Mais qu’est au fond, originellement, la bitlit, sinon de la romance avec des créatures fantastiques, avant d’être un genre codifié ? Et la Communauté du sud avec, donc, en effet.
On verra bien où en seront les codes du “genre” dans qques années et ce qu’on pourra en dire…
Je vois qu’en Europe vous êtes bien plus mal fouttu que moi au Canada avec cette dope totale de revue, Bitlit.
Je venais sur ce site et lisait des romans la dessus bien avant qu’il y est cette vague de vampire charmant et je peu vous dire qu’ils me donnent mal au coeur aujourd’hui.
On m’a enlevé mon plaisir. au secour!
Malheureusement, ce mythe correspond de plus en plus aux critères superficiels de notre société (beauté jeunesse éternelle, charme, force)et les jeunes filles obtiennent le bad boy suprême. Arf!
J’espère que Roy et Senhal on raison et que ca va passer.
Au dernier salon du livre de Montréal, j’ai été sidéré de la quantité de romans de vampires proposés, surtout en littérature jeunesse. Il suffisait de lire le quatrième de couverture pour constater qu’il s’agissait toujours d’une adaptation cheap de Twilight.
Bonjour à tous !
Vous êtes fan de bit lit, d’histoires de charme et de surnaturel ?
Je vous propose alors de lire un recueil de « 20 histoires de vampires et de sexe ».
Publié aux éditions La Musardine, ce livre de la collection « Osez », apporte sa pierre à la célébration de la sensualité vampirique. De quoi vous faire trembler de peur… et de plaisir ! Si vous avez-vous-même un blog, n’hésitez pas à m’en demander un exemplaire presse.
Plus d’infos sur le site http://www.lamusardine.com ou contact vers l’adresse : elisa.musardine@hotmail.fr
Peut être simplement aussi que depuis toujours le Vampire apparait en période de crise en se réadaptant au besoin de la société. Dracula n’était il pas une critique de l’aristocratie anglaise de l’époque ? Le vampire de Bram Stocker ne ressemble en rien à celui de Tolstoï (la famille vourdalak) , et pourtant l’un des deux est il plus vrai que l’autre ? Quand on voit les vampires de twilight, effectivement ce ne sont plus de vilains méchants qui veulent juste décimer un village, ou des nobles romantiques issus de Goethe, mais ils collent clairement aux besoins actuels. Et c’est après tout ce qui fait la force du mythe, sa capacité à s’adapter chaque époque. Twilight parle de sujets actuels : écologie (après tout ils sont végétariens), thématiques aussi vieille que le vampire (rien n’est impossible, il y a toujours de l’espoir), valeurs rassurantes en cette époque de crise (retour à l’amour véritable par exemple…)
La critique virulente est facile, mais c’est simplement refuser l’évolution du mythe et le condamner à mourir….
Bonjour !!
Je trouve ça bien dommage que cet auteur dont parle l’article ai abandonné ce mythe fabuleux simplement parce que c’est à la mode et qu’il est dénaturé par la littérature de masse. Comme cela a été dit dans certains commentaire le vampire a été utilisé à travers l’histoire pour dire des tas de choses, aujourd’hui les masses l’utilise pour glorifier la jeunesse, la richesse et la beauté, mais demain ce sera autre chose.
Et je pense que justement des auteurs qui sont attaché à l’ancienne image du vampire devrait prendre le contre-pied de cette vague glamm et paillettes pour faire évoluer encore ce mythe et lui faire dire encore autre chose.
Pour moi cette vague bitlit est tout sauf une mauvaise chose pour le genre, elle ouvre des perspective aux auteurs (les vrai pas ceux qui font ça pour du fric entendons nous bien ;)) de renouveller ce mythe qui s’enlisait jusque là dans des cliché hérité de Dracula.
Et comme d’autre l’ont dit, le vampire n’est pas exploité que par la bit-lit aujourd’hui, on le retrouve dans de la bonne littérature aussi, La soif primordiale de Pablo de Santis, ou Les revenants de Laura Kasischke.
Tout ça m’a redonné cet âpre goût de cendre que j’ai eu dès les débuts de l’engouement BitLit – ne vous attendez pas à ce que j’écrive le titre de ce papier Toilette, ce torchon qui a failli me pousser à l’autodafé: s’essayer à en lire une ligne, c’est avoir l’impression d’être un pandore des temps modernes (ou, plus bibliquement – maintenant qu’ils s’en prennent aux anges déchus –, le gentil n’agneau qui prend ses clefs pour ouvrir les portes d’un apocalypse littéraire). Comme dans les commentaires précédents il a été question de Salem, je dois dire qu’il a été une véritable bulle d’oxygène dans ce poison littéraire qui nous noie actuellement. C’est dommage que de bons auteurs abandonnent ainsi la cause du vampire.
Déchus, les anges – oui, il ne faut pas donner l’impression aux collégiennes qu’on les prend pour des imbéciles: donnons-leur un minimum de sentiment d’interdit. Même dans cette vénération ambiante du copier-collé scénaristique, mortel pour les œuvres voisines.
À quand le même genre pour tout le Pandémonium? J’ai un certain empressement à entendre les discussions pré-pubères sur qui de Baal ou de Pazuzu aura Nana aka Maryna-la-lycéenne-banale-ou-avec-une-particularité-qui-lui-servira-jamais. (Il y a des sous à se faire là-dessus en produits dérivés.)